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Prix des médicaments vétérinaires Pascal Gortais dénonce le conflit d’intérêts des « vétérinaires-vendeurs »

Pascal Gortais, éleveur laitier en Ille-et-Vilaine et co-fondateur de l’association Anarev (Association nationale pour l’amélioration des relations éleveurs-vétérinaires), monte au créneau pour dénoncer le conflit d’intérêts des vétérinaires autorisés à la fois à prescrire et à délivrer eux-mêmes les médicaments. Selon lui, les instances françaises doivent faire évoluer les rapports commerciaux entre les éleveurs et leur vétérinaire et s’accorder avec les recommandations européennes de libre concurrence.

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D'après Pascal Gortais, dissocier la prescription et la délivrance devrait faire baisser le prix et l'utilisation de médicaments vétérinaires. (© Terre-net Média /P.Gortais)


Terre-net Média : Pourquoi avoir créé l’Association nationale pour l’amélioration des relations éleveurs-vétérinaires (Anarev) ?

Pascal Gortais  : Le principal objectif de l’Anarev est de dissocier l’acte de prescrire une ordonnance et celui de vendre un médicament, afin de laisser jouer la concurrence entre les cabinets vétérinaires et les pharmacies pour que les éleveurs puissent accéder librement à des médicaments à prix compétitifs.

Avant la création de l’Anarev en septembre dernier, les cabinets vétérinaires de mon secteur refusaient de soigner mes animaux car je ne souhaite pas acheter les médicaments directement à celui qui les prescrit. J’ai ainsi été amené à porter plainte devant le conseil de la concurrence de Rennes et créer une association ayant pignon sur rue était le meilleur moyen d'éviter de voir cette plainte classée sans suite. Aujourd’hui, l’Anarev compte une centaine d’adhérents, mais nous représentons la « majorité silencieuse » des éleveurs qui sont contraints de se fournir en médicaments uniquement auprès de leur vétérinaire traitant.

Tnm : Que revendique l’Anarev ?

PG : Nous souhaitons améliorer les rapports commerciaux entre éleveurs et vétérinaires. Dans la quasi totalité des cas, les vétérinaires livrent les médicaments et l’ordonnance en même temps. Ce n’est pas l’ordre des choses, comme l'a notamment récemment annoncé les Ordres nationaux des vétérinaires et des pharmaciens dans un rappel à la loi. L’éleveur doit être libre de pouvoir acheter à qui il le souhaite, sauf en cas d’intervention d’urgence, cela va de soi. La visite d’élevage par le vétérinaire est obligatoire, mais elle doit d’abord favoriser les protocoles de soins préventifs et nous devons recevoir une ordonnance pour un panel de médicaments adaptés qui serviront pour l’application de ces protocoles de soin. Nous demandons que les lois évoluent dans ce sens. Le ministère de l’Agriculture nous a reçus fin décembre et nous avons pu exposer notre point de vue.

En dissociant la prescription et la délivrance, notre objectif est notamment de faire baisser le coût du médicament, mais aussi de faire baisser l'utilisation de ces médicaments en privilégiant la prévention via des conseils vétérinaires désintéressés de la vente.

Tnm : Les éleveurs français payent-ils leurs médicaments trop chers ?

PG : Clairement oui. En élevage laitier, le coût du médicament avoisine les 8 €/1.000 litres et celui des honoraires vétérinaires de 2 à 3 €/1.000 litres. Les produits en Espagne coûtent parfois trois fois moins chers qu’en France et la Belgique affiche des prix inférieurs de 30 à 40 % aux nôtres. Nous recommandons à court terme de faire jouer la concurrence entre les pharmacies et les cabinets vétérinaires. Les syndicats des pharmaciens réclament, eux aussi, la séparation de la prescription et de la délivrance. Les pharmaciens vendent de moins en moins et ils ne représentent que 2,5 % des parts de marché du médicament vétérinaire, chiens et chats compris.

C’est un marché d’environ deux milliards d’euros, très rémunérateur pour les laboratoires pharmaceutiques. Si les éleveurs parviennent à faire baisser le prix, ne serait-ce que de 5 %, c’est 100 millions d’euros qui restent dans leur poche, soit la même somme que celle annoncée dans le Fond de modernisation céréaliers-éleveurs (Fmce), le tout sans coûter un sou à l’Etat. Il en va de la compétitivité de l’élevage français.

Tnm : Mais cela atteint aussi l’équilibre économique des cabinets vétérinaires ?

PG : En partie oui, mais nous souhaitons seulement la moralisation et l’instauration d’un marché véritablement concurrentiel. L'éleveur ne doit plus avoir en face de lui un vendeur de médicaments, mais plutôt un conseiller qui privilégie la prévention sanitaire. Pour cela, les éleveurs doivent aussi fournir des efforts de leur côté et comprendre qu’un conseil doit être rémunéré correctement. Je ne me fais pas trop de souci pour les vétérinaires. C’est une corporation puissante et bien installée au sein des administrations et de la Direction général de l’alimentation (Dgal). Ce lobby créé une inertie et les choses ont encore du mal à évoluer dans la profession.

Tnm : Les éleveurs peuvent-ils s’approvisionner en médicaments chez nos voisins européens ?

PG : Non, c’est interdit. La réglementation autorise uniquement l’importation de médicaments vétérinaires avec Amm (autorisation de mise sur le marché) dans un Etat membre de l’Union lorsqu’il n’existe pas de médicament approprié autorisé en France. Début décembre, quatre éleveurs sont passés devant le tribunal de Niort pour importations illégales de médicaments venus d’Espagne. Le procureur a requis « une décision de clémence », car il a bien conscience que la juridiction française n’est pas vraiment en phase avec les lois européennes qui prônent le libre échange des produits au sein de la communauté, pour le bénéfice des utilisateurs.

Tnm : Quel avis portez-vous sur le plan Ecoantibio 2017

PG : La prévention des risques sanitaires doit être la priorité, avant les soins curatifs. Nos réclamations vont dans le sens de la réduction des consommations de médicaments. Le Danemark, par exemple, a interdit aux vétérinaires de vendre directement des médicaments aux éleveurs. Résultats : la consommation de médicaments, et notamment d’antibiotiques, a fortement diminué. Par ailleurs, le plan de réduction des risques d’antibiorésistance présenté par le ministère de l’Agriculture ne doit pas conduire à faire supporter aux éleveurs plus de charges ou de contraintes administratives.

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